Vivre l'intelligence collective

Nous avons un déficit démocratique maintenant clair

Nos vies se déroulent au sein de collectifs : familles, écoles, communautés, associations, clubs, organisations, nations… Quand nous nous interrogeons sur leurs modes de fonctionnement, nous en faisons le plus souvent un bilan mitigé. Il y a les instants de joie, les connexions fortes, les expériences nourrissantes, les réussites vertueuses, les utopies crédibles. Il y a tout autant les moments de frustration, les débats stériles, les bureaucraties aliénantes, les inégalités douloureuses, la violence institutionnelle, la marginalisation inhumaine, l’inertie de la société face au défi écologique.

Les asymétries de pouvoir, les hiérarchies descendantes, la culture dominante centrée sur le marché, la concurrence et le capitalisme nous conduisent collectivement à un sentiment d’impuissance menant au désengagement citoyen voire à la tentation des extrêmes. Nous faisons face à des problèmes complexes, aux enjeux majeurs qui nécessitent des réponses impliquant de multiples parties prenantes, dont les citoyens en premier lieu, avec des modes de gouvernance inclusifs insuffisamment pratiqués et connus à ce jour.

Nous sommes certainement nombreux à partager les analyses de Dee Hock qui affirme : « Nous vivons une époque d’échec institutionnel massif » et de Peter Senge qui nous dit : « nous faisons face à des problèmes pour lesquels les organisations dominantes, autoritaires et hiérarchiques sont inadéquates ».

Le dernier rapport du GIEC sur le climat en est une illustration, parmi tant d’autres, de l’incapacité des élus à faire face aux enjeux actuels : emberlificotés dans des faisceaux d’alliances et d’intérêts personnels court terme, ils ne portent pas les enjeux collectifs long terme. Nous, citoyens, le pouvons.

Il y a dans notre société actuelle un déficit d’éducation aux principes d’intelligence collective, une carence de compétences de la conduite de dialogues réellement constructifs entre pairs, un manque d’acculturation au fonctionnement des communs.

Le développement actuel de la formation à l’intelligence collective repose sur une logique exclusive de marché qui prive tout un ensemble de publics de la possibilité d’y accéder et d’apprendre ces autres modes d’organisation visant le bien faire autant que le bien vivre et le bien être. Or, le système dominant n’a qu’un intérêt limité à favoriser l’émancipation des personnes et des collectifs. Il est donc crucial de rendre l’accès à de nouvelles pratiques collectives, génératives et soutenables, plus ubiquitaires dans la société.

Ce n’est qu’en actualisant rapidement nos potentialités d’intelligence collective, en créant les conditions de l’autodétermination, que nous saurons faire face aux défis qui se présentent à notre société. C’est l’ambition des Maisons de l’Intelligence Collective.

Pratiquer, apprendre, diffuser rapidement d’autres modes de dialogue et de gouvernance catalyseurs d’intelligence collective

Depuis 2019, les Maisons de l’Intelligence Collective existent en créant des lieux éphémères, véritables oasis d’intelligence collective, pour y installer et proposer diverses activités centrées sur le dialogue inclusif et la gouvernance des communs :

  • jeux coopératifs avec des publics d’enfants et de moins jeunes, comme leviers d’apprentissage
  • ateliers de cuisine et repas en communs, pour une re-socialisation active
  • pratiques narratives centrées sur de nouveaux récits de nos capacités d’intelligence collective, loin du culte des super-héros
  • cercles de dialogue et de gouvernance partagée pour apprendre à décider sans marginaliser et à dépasser l’omniprésente domination patriarcale
  • sessions de codéveloppement pour apprendre à apprendre de/avec ses pairs
  • ateliers de forum ouvert, de world café pour des associations vivantes et vibrantes

Progressivement les Maisons de l’Intelligence Collective deviennent des agoras permanentes, portées par des tiers lieux pour permettre une initiation à l’intelligence collective plus large encore. Cette phase répond au besoin d’apprentissage de la démocratie directe et favorise l’accroissement des communs comme mode organisationnel soutenable et désirable.

Ce collectif s'est constituté en Société Coopérative d'Intérêt collectif (SCIC) les Maisons de l’Intelligence Collective pour permettre l’alliance multi-acteurs dans ses actions et sa gouvernance.

Ce commun centré sur l’intelligence collective est en lui-même une ambitieuse expérience citoyenne apprenante et transformante pour l’ensemble de ses parties prenantes.

Un collectif praticien.nes de l’intelligence collective grandit au fil des années, nombre d’entre eux.elles formé.es au D.U. Intelligence Collective de l’Université de Cergy Paris. Certain.es sont indépendant.es ou salarié.es, d’autres dirigeant.es associatifs, d’autres exercent dans le secteur public, d’autres encore dans des organisations privés.

Tou.te.s ont le souhait d’inscrire leur action dans la perspective d’un fort impact sociétal. Toutes les créations et productions sont partagées en mode Creative Commons CC-BY-SA afin d’en faciliter l’usage, l’appropriation et l’expansion. Le but est de favoriser, de manière émergente et sans contrôle centralisé, la naissance de multiples Maisons de l’intelligence collective acceptant la charte fondatrice (comme les FabLabs ont su le faire).

Il s’agit de contribuer à réencastrer l’économie dans le social, selon les termes de K. Polanyi, au lieu du mode inverse actuellement dominant.

Sensibiliser à l’intelligence collective des publics délaissés par la logique de marché

Nous avons à coeur que nos pro-actions servent les populations “délaissées”, non touchées par le mode Services, pour qui notre projet éducatif crée des espaces d’apprentissages, de dialogue et d’acculturation à l’intelligence collective et aux communs. Sont concernés en priorité :

  • Les familles où se forgent les fondations de futures relations collectives saines et pacifiées, où s’apprennent les rudiments de l’art du dialogue et du prendre soin de soi-même et des autres,
  • Les écoles, collèges et lycées pour apprendre l’art de la coopération inclusive au lieu de cultiver la compétition excluante,
  • Les adolescents et jeunes adultes pour favoriser une socialisation vertueuse, épanouissante et interdépendante, prenant appui sur la construction de leur identité singulière,
  • Les exclus de l’accès au monde du travail, en marge des processus de socialisation et d’apprentissage d’un fonctionnement collectif impliquant et encapacitant.

Nous mesurons l’évolution du sentiment d’autodétermination de ces publics. Ils ont aussi l’opportunité de devenir eux-mêmes des “catalyseurs de l’intelligence collective“, après l’atteinte d’un premier niveau de maitrise des pratiques clés. Ils peuvent alors lancer leurs propres initiatives, en informant ensuite l’écosystème des Maisons de l’Intelligence Collective de l’impact de leurs actions, en respect de ce manifeste et de nos valeurs.

En parallèle, nos services sont destinés aux organisations de l'Economie Sociale et Solidaire, publiques et privés qui financent déjà par elles-mêmes et de manière croissante des interventions visant au développement de leur intelligence collective. Cet axe, ne sert en revanche qu’une partie privilégiée de la population et délaisse des acteurs pourtant essentiels à un renouvellement massif des pratiques démocratiques. A lui seul, il ne permet pas une vitesse de déploiement de nouvelles pratiques d’intelligence collective compatibles avec les besoins pressants de la société. Il vient en synergie de l’axe pro-actions.

L’heure a sonné

Notre planète a connu son évolution générative par l’intelligence collective à l’oeuvre et omniprésente dans la nature... jusqu’à ce que nous, humains, enfermions nos actes et nos modes de pensée dans des pyramides organisationnelles extractives et écocides.

--> L’heure a sonné.
Il est urgent de les transcender, de nous en émanciper.
Nos vies méritent mieux que des tombeaux.
Chacun de nous est un créateur de monde en puissance.
Chaque acte est un choix.

Soutenons par nos actes autodéterminés la croissance des super-organismes collectifs qui nous épanouissent, révèlent nos singularités, pacifient et régénèrent le monde, ceux qui font fleurir l’intelligence collective dont notre planète a tant besoin.

Il est l’heure d’apprendre les principes du bien faire / être / vivre en communs.